sábado, marzo 26, 2011

Le régime iranien et le cinéma : une guerre qui ne finit pas

Par Abbas Bakhtiari, musicien iranien et directeur du centre culturel Pouya, Paris (LE MONDE, 23/03/11):

La “Maison du cinéma” iranien comprend 5 000 cinéastes, 29 classes d’école de cinéma, des acteurs, des administrateurs, une association de scénaristes, une association de travailleurs des industries techniques. Depuis deux ans, la crise du cinéma iranien est relatée dans la presse. Cette crise n’est pas propre à l’Iran. A l’instar d’autres pays similaires, lorsque la presse est étouffée, soit les cinéastes expriment leur désaccord, soit ils arrêtent de produire et gardent le silence.

La politique du régime est de maîtriser et surveiller tous les mouvements citoyens comme les partis politiques, les syndicats, mais également le monde des arts (cinéma, musique, sculpture), afin de neutraliser l’opposition. Le régime a donc mis sous contrôle la Maison du cinéma, en stoppant les subventions et en interdisant les mécènes privés.

Le ministère de la culture a créé une Haute Instance du cinéma qui a pour objet de contrôler toutes les institutions cinématographiques du pays. Il a également voulu prendre le contrôle de la Maison du cinéma. La Maison du cinéma, dont le règlement intérieur spécifie pourtant l’interdiction de travailler avec une instance extérieure, a été contrainte de collaborer avec cette institution pro-gouvernementale qui forme des artistes et des cinéastes pro-gouvernementaux.

Cette Haute Instance du cinéma est constituée d’un président, Mahmoud Ahmadinejad lui-même, d’un vice-président en la personne du ministre de la culture et de six cinéastes acquis à la cause du gouvernement. Jusqu’à présent, en Iran, 100 films étaient produits chaque année. Le gouvernement a augmenté la production de films à 200. Tous ces films sont des films de propagande gouvernementale et islamique. Il existe 255 salles de cinéma en Iran, dont 80 à Téhéran. Parmi elles, 40 seulement ont le droit de diffuser des films. Les autres cinémas n’ont pas cette autorisation. Les dirigeants pensent en effet que la diffusion de 40 films par an, est suffisante.

Dans toutes ces salles, sont diffusés uniquement les films commerciaux iraniens et des films qui ont passé la censure. Les autres films sont censurés et ne sont donc pas diffusés. Même les films produits en Iran et censurés, qui sont diffusés dans des festivals à l’étranger, sont condamnés.

Les Iraniens aiment particulièrement le cinéma. Les acteurs ont un rôle important et sont influents dans le pays. La télévision est totalement sous le contrôle de l’Etat. Le régime souhaite profiter de l’intérêt du peuple pour le cinéma, en le mettant sous contrôle pour asseoir sa propagande.

L’ÉTOUFFEMENT DU CINÉMA INDÉPENDANT

Les cinéastes ont eu un rôle important, avant et après l’élection du président Mahmoud Ahmadinejad, pour dénoncer l’ampleur de la fraude électorale ; ils ont été sévèrement réprimés par les forces de l’ordre. Beaucoup de cinéastes ont été interrogés et torturés. L’un d’entre eux s’appelait Sihaq Saïd Amani. Il était vice président du ministère de l’information sous le gouvernement d’Ali Akbar Hachemi Rafsandjani. Toute sa famille a subi des menaces. Le gouvernement a divisé les cinéastes en deux parties, les pro-gouvernementaux et les anti-gouvernementaux. La police secrète fabrique de faux documents et fournit de faux témoignages pour accuser les cinéastes anti-gouvernementaux, afin de les faire condamner. La collaboration du ministère de la culture, du ministère de l’information islamique du gouvernement iranien et de la télévision iranienne ainsi que tous les organes de propagande islamique ont permis l’étouffement du cinéma indépendant.

Le ministère de la défense et le ministère de la propagande contrôlent indirectement toute la production culturelle iranienne, et le cinéma est également victime de cette politique. Aucun film religieux ou film de guerre anti-gouvernemental n’est diffusé. De ce fait, tous les producteurs et réalisateurs sont condamnés à disparaître.

En réalité, dans le monde du cinéma, ceux qui ne suivent pas ou ne respectent pas la politique corrompue du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad, sont traités comme au Moyen Age. Par exemple, des réalisateurs comme Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof, Mohammad Ali Chirzadi, Mohammad Nourizad, sont assignés à résidence. Le documentariste Mojtaba Mirtahmasb et la célèbre actrice célèbre de cinéma Fatima Aria ont été condamnés, par les autorités du régime dictatorial d’Iran.

Une des premières décisions du début de leur mandat, qui montre bien la politique de ce régime iranien, est d’avoir condamné à mort le réalisateur Hadi Hossein Zadeh, le poète et metteur en scène Saïd Sultan Poor. La seule faute qu’ils avaient commise était d’avoir dénoncé la corruption du gouvernement.

Les directeurs de cinéma sont tenus d’organiser des séminaires avec l’ensemble des acteurs et réalisateurs pour échanger avec des représentants de l’Etat, montrant ainsi leur allégeance au gouvernement. Tous ceux qui ne participent pas à ces rencontres, sont surveillés et privés de nombreux avantages. Ils sont également menacés par les services secrets iraniens.

En même temps, ceux qui prennent contact avec les cinéastes en prison, sont durement réprimés.

Le seul moyen de pression sur le gouvernement est de signer des pétitions pour montrer son opposition ; les cinéastes iraniens en ont bien conscience. Cependant s’ils font une pétition pour défendre par exemple les cinéastes iraniens Mohammad Rasoulof et Jafar Panahi actuellement en prison, ils savent qu’ils seront poursuivis, surveillés et réprimés. S’ils prennent contact avec la famille de Mohammad Nourizad ou la famille de Mohammad Ali Chirzadi, ils peuvent s’attendre à subir des menaces de la Haute Instance du cinéma et à ce qu’on ouvre un dossier sur leur compte, si ce n’est déjà fait.

A toutes ces difficultés qui ont profondément durci les conditions de travail des cinéastes en Iran et qui sont liées à la situation insupportable que l’on vient d’évoquer, s’ajoutent en outre la crise économique et le chômage. Toutefois, les cinéastes iraniens expérimentés, ont conscience de cette situation et s’autocensurent. En tout état de cause, le gouvernement continue de craindre le cinéma indépendant et ses idées.

Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona

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