domingo, febrero 22, 2009

¿Quién es marroquí?

Por Abdellah Taia, escritor marroquí. Traducción de José Luis Sánchez-Silva (EL PAÍS, 21/02/09):

Tras incluirlos en el programa de su próxima edición, el prestigioso Festival de Cartagena acaba de excluir a Nadia Yasín, hija del jeque Yasín, líder del movimiento islamista Al Adl wal Ihsan, y a Ali Lmrabet, periodista exiliado en España. Ninguno de los dos participará, pues, en los debates sobre Marruecos y su producción literaria e intelectual que tendrán lugar en tal ocasión. Como respuesta a tan inaceptable e incomprensible censura, Lola López Mondéjar, organizadora de los debates, ha dimitido del festival. Si escribo este texto es para apoyar su decisión y para anunciar mi retirada del Festival de Cartagena.

Lo menos que puedo decir es que estoy furioso. Y perplejo. Nunca hubiera creído posible semejante censura en un país democrático. Claro que 2009 es oficialmente el año de Marruecos en España. Pero de ahí a que un gran festival como el de Cartagena ceda a las presiones… ¿Y de quién, exactamente? ¿De las autoridades marroquíes? ¿De la Embajada de Marruecos en Madrid? ¿Y por qué?

En su defensa, el director del festival declaró la semana pasada en EL PAÍS que yo, Abdellah Taia, de 35 años, escritor y primer marroquí en asumir públicamente su homosexualidad, participaría según lo previsto y hablaría libremente de todo, incluyendo mi sexualidad.

¿Qué quiere decir todo esto? ¿Que el homosexual marroquí es bienvenido en España, pero no una mujer perteneciente a un movimiento islamista ni un periodista que ha tenido grandes problemas con las autoridades marroquíes? No puedo aceptarlo. No puedo dejar que me manejen así. No quiero que me concedan la palabra en detrimento de otros marroquíes. Si hablé de mi homosexualidad en Marruecos fue por una necesidad interior (y no necesité autorización ni bendición alguna). Fue, antes que nada, un combate por el acceso a la individualidad, y no solamente por mí.

Lo que echamos terriblemente de menos en Marruecos y nos impide avanzar, liberarnos, son, entre otras cosas, los debates contradictorios. Me refiero a los reales, no a esos debates para la galería que pretenden dar una falsa imagen de progreso y modernidad. Desgraciadamente, pese al excelente trabajo de algunos medios de comunicación (Tel Quel, Le Journal Hebdo, determinadas emisoras de radio, etcétera), este tipo de debate, cuando lo hay, no llega a todos los marroquíes. Y la decisión del Festival de Cartagena no va a contribuir a cambiar las cosas. Por otra parte, se trata de una decisión extraña. Nadia Yasín y Ali Lmrabet se expresan regularmente en los diarios marroquíes. ¿Por qué apartarlos ahora? Misterio. ¿Son menos marroquíes que yo? ¿Menos fashion, tal vez? ¿Más “peligrosos”?

En Marruecos no es fácil tomar la palabra. Sé de lo que hablo. Crecí en Salé, frente a Rabat, la capital, en una familia pobre y en la sumisión y el aislamiento totales. Era como si Marruecos tampoco me perteneciese a mí. Como si la sociedad marroquí no existiese. Nunca me enseñaron a hablar. Me dijeron que me callase: en eso consistía la buena educación. Día tras día, año tras año, me repetían que las paredes tienen oídos. Que nosotros somos los pobres. Eternamente. Me transmitieron una visión demasiado simplista de la religión. El verdadero credo era el miedo. Miedo para toda la vida. Miedo para no salir nunca de la miseria ni de la ignorancia. Ese miedo que paraliza, mata y te prepara para la autodestrucción o el extremismo.

En Marruecos hablar es un lujo. Aquellos que pueden, tienen la responsabilidad de hacerlo por los demás, la responsabilidad de denunciar, de abrir el debate. Sorprender, provocar… Sólo así se puede cambiar el mundo y obtener derechos; ser dueño de uno mismo por fin.

En Marruecos oía a menudo cómo anatemizaban a éste o aquél por una supuesta traición al país y a sus ideales. Solía oír este tipo de frases: “No es marroquí. Nunca lo fue y nunca lo será”. Hoy se oyen también, y cada vez más, frases como ésta: “No es musulmán, no es un buen musulmán”. ¿Un impío, entonces? Desgraciadamente, ciertos intelectuales y artistas profieren también estas peligrosas negaciones que desvían la atención de los verdaderos problemas y no ayudan al marroquí a levantarse para gritar, para existir.

En mayo de 2007 oí esos mismos juicios escandalosos referidos a dos hermanos que cometieron un doble atentado suicida en Casablanca. Tras vagar durante casi dos días por las calles, saltaron por los aires no muy lejos del consulado norteamericano. No mataron a nadie. Sólo a sí mismos. En el colmo de la desesperanza en la que vive desde hace demasiado tiempo la juventud marroquí. Fue un grito desde el corazón, desde las tripas. Un llamamiento a la sociedad marroquí. No fue escuchado. Seguramente estimamos que no era culpa ni responsabilidad nuestra. Normal: esos dos hermanos “no eran marroquíes”. ¿Verdad?

¿Quién lo es entonces?

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Qui est Marocain?

Après les avoir initialement inclus dans le programme de sa prochaine édition, le prestigieux festival de Carthagena vient d’exclure Nadia Yassine, la fille du Cheikh Yassine (le leader du mouvement islamiste Al-Adala Wa Al-Ihssane), et le journaliste exilé en Espagne Ali Lmrabet. Ils ne participeront donc pas aux débats qui auront lieu à cette occasion autour du Maroc et de ses productions littéraires et intellectuelles. Suite à cette censure inacceptable et incompréhensible, Lola Lopez Mondéjar, l’organisatrice de ces débats, a démissionné du festival. Et c’est pour la soutenir dans cette décision et annoncer mon retrait du prochain festival de Carthagena que j’écris ce papier.

Le moins qu’on puisse dire est que je suis en colère. Choqué. Je n’aurais jamais cru une telle censure possible dans un pays démocratique comme l’Espagne. 2009 est certes, officiellement, l’année du Maroc en Espagne, mais de là à ce qu’un grand festival comme celui de Carthagena cède aux pressions… De qui précisément d’ailleurs ? Des autorités marocaines ? De l’ambassade du Maroc à Madrid ? Et pourquoi ?

Pour se défendre, le directeur de ce festival a déclaré la semaine dernière dans EL PAIS que moi, Abdellah Taïa, 35 ans, écrivain et premier Marocain à avoir assumé publiquement son homosexualité, je participerai à ce festival et je parlerai donc librement de tout, y compris de ma sexualité.

Qu’est-ce que cela veut-il bien dire ? Que l’homosexuel marocain est bienvenu en Espagne mais pas une femme appartenant à un mouvement islamiste, ni un journaliste qui a eu de gros ennuis avec les autorités marocaines ? Je ne peux pas accepter cela. Je ne peux pas me laisser récupérer de cette façon-là. Je ne veux pas qu’on me donne la parole au détriment d’autres Marocains. Quand j’ai parlé au Maroc de mon homosexualité, c’était une nécessité intérieure (et je n’ai eu besoin d’aucune autorisation, d’aucune bénédiction), c’était avant tout un combat pour accéder à l’individualité, mais pas seulement pour moi.

Ce qui nous manque cruellement au Maroc et nous empêche d’avancer, de nous libérer, ce sont, entre autres, les débats contradictoires. Réels. Pas fictifs, pour la façade, pour donner une fausse image de progrès et de modernité. Malgré le très bon travail de certains médias (TEL QUEL, LE JOURNAL HEBDO, les radios, etc.), ce genre de débat, quand il y en a un, ne touche malheureusement pas tous les Marocains. Et ce n’est pas la décision du festival de Carthagena qui va aider à changer la situation. Décision étrange d’ailleurs : Nadia Yassine et Ali Lmrabet s’expriment régulièrement dans les journaux marocains. Pourquoi les écarter alors ? Mystère. Sont-ils moins marocains que moi ? Moins « fashion » peut-être ?! Plus « dangereux » ?

Prendre la parole au Maroc n’est pas facile. Je sais de quoi je parle. J’ai grandi dans une famille pauvre à Salé, en face de la capitale Rabat, dans la soumission et l’isolement total. C’était comme si le Maroc ne m’appartenait pas à moi aussi. Comme si la société marocaine n’existait pas. On ne m’a jamais appris à parler. On m’a dit de me taire : c’était ça être bien élevé. On m’a répété jour après jour, année après année, que les murs avaient des oreilles. Que nous, nous sommes les pauvres. Eternellement. On m’a donné une vision trop simpliste de la religion. La peur comme programme. La peur pour la vie. La peur pour ne jamais sortir ni de la misère ni de l’ignorance. La peur qui vous bloque, vous tue et vous prépare à l’autodestruction ou bien l’extrémisme.

Prendre la parole au Maroc est un luxe. Il est de la responsabilité de ceux qui peuvent le faire de parler pour les autres, de dénoncer, de créer le débat. Bouleverser, choquer. Il n’y a que comme ça qu’on peut changer le monde, obtenir des droits. Devenir, enfin, maître de soi.

J’entendais souvent au Maroc des excommunications à propos de tel ou untel qui aurait soi-disant trahi le Maroc et ses idéaux. J’entendais ce genre de phrases : « Il n’est pas Marocain, lui. Il ne l’a jamais été. Il ne le sera jamais. » Aujourd’hui, on entende aussi, de plus en plus, ces autres phrases : « Il n’est pas musulman, un bon musulman, lui. » Un mécréant, alors ? Ces négations dangereuses, et qui détournent l’attention des vrais sujets, sont proférées aussi, malheureusement, par certains intellectuels et artistes. Ces négations n’aident pas le Marocain à se relever pour crier, pour exister.

En mai 2007, j’ai entendu ces mêmes jugements scandaleux à propos des deux frères qui ont commis à Casablanca un double attentat suicide. Après avoir erré presque deux jours dans les rues, ils se sont faits explosé non loin du consulat américain. Ils n’ont tué personne. Juste eux-mêmes. C’était le comble du désespoir dans lequel vit depuis trop longtemps la jeunesse marocaine. C’était un cri du c½ur, des tripes. Un appel à la société marocaine. Il n’a pas été entendu. On estimait sans doute que ce n’était pas notre faute, ni notre responsabilité. Normal, ces deux frères n’étaient pas des Marocains. N’est-ce pas ?!

Qui l’est alors ?

Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona

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