Par Didier Billion, Rédacteur en chef de La revue internationale et stratégique, IRIS (LE MONDE, 06/06/11):
Le 19 mai dernier, le président Obama a créé une certaine surprise en se prononçant pour la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, idée qu’il avait déjà esquissée en septembre 2009 devant l’Assemblée générale de l’ONU, avec “des échanges [de territoires] sur lesquels les deux parties seraient d’accord”. Les Palestiniens, pour leur part, devraient alors reconnaître Israël comme un Etat juif et accepter un statut d’Etat démilitarisé pour la Palestine. Dans le même discours, Barack Obama critiquait brutalement le projet des Palestiniens de proclamer leur Etat lors de la prochaine Assemblée générale de l’ONU en stigmatisant des actions symboliques qui ont pour but d’“isoler Israël aux Nations unies”.
Moins d’une heure et demi après ce discours, le premier ministre israélien faisait savoir dans un communiqué que “les frontières de 1967 sont indéfendables”. Position réaffirmée avec force lors de son entretien avec le président états-unien à Washington deux jours plus tard. Mais le pire était à venir, et le discours prononcé par Benyamin Nétanyahou devant le Congrès, le 24 mai, fut déplorable et consternant parce qu’il confirmait une fois de plus l’autisme politique dont les dirigeants israéliens font preuve. En effet le Premier ministre fermait systématiquement toute possibilité de reprendre de véritables négociations avec les Palestiniens. Maniant le mensonge et la mauvaise foi, il utilisait des arguties éculées. Ainsi, il condamnait avec violence l’accord de réconciliation inter-palestinien entre le Fatah et le Hamas, signé au Caire le 4 mai, et dénonçait de façon pavlovienne l’alliance avec une organisation terroriste, qualifiée d’Al-Qaïda palestinienne ! Mais ce qu’oubliait de dire Benyamin Nétanyahou c’est que l’accord entre les deux organisations palestiniennes prévoit la mise en place d’un gouvernement de techniciens au sein duquel ne siègera aucun parti, que le même accord ne s’oppose pas à la perspective de pourparlers que pourrait mener le président Mahmoud Abbas et qu’un hypothétique accord de paix pourrait ainsi engager la totalité des Palestiniens, donc aussi le Hamas.
Ce discours de fermeture absolue était prononcé devant un Congrès états-unien enthousiaste qui ne cessait de l’interrompre par des applaudissements frénétiques et vingt-six standing ovations. Spectacle lamentable de parlementaires – dont les préoccupations de politique intérieure ne sont certes pas absentes – qui soutiennent l’extrémisme du gouvernement israélien sans comprendre que cette politique mène l’Etat hébreu, plus que jamais isolé sur la scène internationale, au bord de l’abîme. Le discours israélien s’explique aussi par l’obsession de faire échouer le projet de proclamation de l’Etat palestinien au mois de septembre 2011.
Pourtant, au vu des blocages politiques, dont le discours de Nétanyahou est l’expression la plus insupportable, les Palestiniens n’ont d’autre choix que de poursuivre ce combat. Paradoxalement ce sont eux qui déterminent le temps diplomatique, ce qui effraie les Israéliens, mais aussi l’administration Obama. Cette dernière, si elle ne prend pas d’initiatives concrètes et se contente des discours sans effet de son président, est piégée. En effet, Barack Obama agite le chiffon rouge de l’utilisation de son veto au Conseil de sécurité alors que la création d’un Etat palestinien fait partie de la rhétorique présidentielle. Il prend certes soin d’expliquer sans cesse que la proclamation d’un Etat palestinien doit être la conséquence d’un processus de négociations mais, comme nous l’avons rappelé, la partie israélienne y est absolument opposée. La Maison Blanche est-elle alors disposée à faire des pressions sur son allié israélien ? Rien n’est moins sûr. On l’a malheureusement constaté lors du Congrès de l’AIPAC le 22 mai au cours duquel Obama n’a eu de cesse d’expliquer que son discours prononcé trois jours plus tôt avait été victime de “représentations fausses”, comme s’il était lui-même surpris de son propre courage.
Il existe un autre aspect du piège dans lequel se trouve Washington. Dans l’hypothèse où Barack Obama s’opposerait à la reconnaissance de l’Etat palestinien au mois de septembre, il perdrait la bataille de la reconnexion de son pays avec le monde arabo-musulman qu’il tente de mener actuellement en accompagnant l’onde de choc qui parcourt la région. Quadrature du cercle dont le président Obama va avoir quelques difficultés à trouver la solution. En outre, il ne doit pas s’attendre à ce que le président Abbas abandonne sa stratégie onusienne pour la simple et bonne raison qu’il n’en pas d’autre.
Certes personne ne saurait croire que la seule proclamation d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 résoudrait comme par enchantement les problèmes concrets, quotidiens, de l’édification d’un Etat mais elle modifierait la donne en termes de droit international. Ainsi les colonies israéliennes seraient zones d’occupation d’un Etat souverain, ce qui ouvrirait par exemple la possibilité de recours auprès de la Cour internationale de justice internationale et internationaliserait le conflit.
Nous savons que le gouvernement israélien ne restera pas sans réagir. Sa décision d’autoriser la construction de 1520 nouveaux logements dans la partie orientale de Jérusalem le jour même du discours d’Obama et le gel durant deux semaines du transfert des taxes et des droits de douane qui sont dus à l’Autorité palestinienne fournit un avant-goût des mesures de rétorsion que l’Etat hébreu est capable de prendre.
Une fois de plus se pose la question de la détermination de ladite communauté internationale à faire appliquer le droit international et de la résolution du président Obama de ne plus se contenter de discours, certes ciselés et convaincants, pour enfin passer à des initiatives concrètes visant à effectuer des pressions effectives sur Israël. On le voit, les semaines et les mois à venir seront déterminants pour le peuple palestinien.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
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