Par Ara Toranian, directeur de “Nouvelles d’Arménie Magazine” (LE MONDE, 05/09/09):
Après tout, qui se souvient du massacre des Arméniens?”, lançait Hitler aux commandants en chef de l’armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l’invasion de la Pologne. Cette question terrible pourrait être posée à Culturesfrance, l’opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture chargé de la saison turque en France (juillet 2009-mars 2010).
En effet, on cherchera en vain à l’affiche de cet événement, qui revendique plus de 400 manifestations et débats sur la Turquie, la moindre allusion au premier génocide du XXe siècle. Ce silence est trop systématique pour ne pas être suspecté de complaisance envers les pires turpitudes de l’Etat turc. Il questionne d’autant plus que ce crime sur lequel s’est construite la Turquie moderne fait l’objet d’un négationnisme officiel contre lequel ont réagi près d’une trentaine de pays dans le monde (dont la France en 2001) en reconnaissant le génocide des Arméniens.
Ce black-out contraste en outre avec le début de prise de conscience qui est en train de s’opérer dans ce pays à la faveur d’une pétition lancée par quatre intellectuels turcs, qui, tout en contournant le mot génocide (dont l’emploi est susceptible de poursuites avec l’article 301 du code pénal), demandent “pardon” aux Arméniens. Alors pourquoi ce mutisme à contre-courant, alors que, par ailleurs, les initiateurs de cette pétition sont mis à contribution, sur d’autres thématiques, dans les différents débats qui émaillent la saison turque ?
Faut-il en déduire que Culturesfrance instrumentalise cette partie “présentable et exportable” de l’intelligentsia du pays pour offrir au public français l’image d’une Turquie moderne et sans tache ? Mais que parallèlement elle a fait sien le “tabou arménien” entretenu comme un abcès de fixation par l’Etat turc nationaliste et réactionnaire ? Une approche qui va contre le sens de l’histoire, à l’heure où les dirigeants turcs, tenant compte de la pression internationale et de la promesse (menace) de Barack Obama de faire reconnaître à son tour le génocide par les Etats-Unis, viennent d’accepter de créer avec l’Arménie, dans une tentative de normalisation, une “commission à dimension historique”.
Ainsi, l’amnésie organisée de cette saison, qui va jusqu’à l’effacement des caractéristiques arméniennes de la Turquie, maltraite ici une culture qui souffre déjà de discrimination là-bas. Cette attitude n’honore guère les valeurs de la patrie de Descartes et des droits de l’homme.
Mais l’objectif revendiqué de cette saison, qui intervient dans la foulée de l’Année de l’Arménie (juillet 2006-2007), comme une tentative maladroite de compensation, demeure loin de ce type de considérations. Cette saison ne vise-t-elle pas surtout à restaurer l’image d’une Turquie noircie par le génocide, le négationnisme, l’oppression de ses minorités, les bombardements contre les Kurdes, l’occupation de Chypre et un blocus impitoyable sur l’Arménie ? Une Turquie que les dirigeants actuels essayent tant bien que mal de libérer de quatre-vingt-dix ans de kémalo-fascisme pour y substituer un “islamisme modéré et tolérant” et dont les tentatives ne seront pas favorisées par les faiblesses de Culturesfrance envers les péchés du nationalisme turc.
Dans son article de présentation (”La longue marche vers l’Occident”), le site Internet de la saison turque caviarde encore les cadavres des minorités chrétiennes qui jonchent cette “longue marche”. Les évoquer serait montrer que cet Etat, qui a pour ambition d’intégrer l’UE, a commencé par tuer ce qu’il y avait de plus européen en lui, en termes culturel, sociétal et religieux. Mieux vaut donc taire cet aspect des choses qui cadre mal avec les clichés utilisés par Ankara pour fustiger, au nom de la diversité, le “club chrétien” que serait l’Europe et pour incarner, la main sur le coeur, le droit à la différence ! Un comble.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
Après tout, qui se souvient du massacre des Arméniens?”, lançait Hitler aux commandants en chef de l’armée allemande le 22 août 1939, quelques jours avant l’invasion de la Pologne. Cette question terrible pourrait être posée à Culturesfrance, l’opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture chargé de la saison turque en France (juillet 2009-mars 2010).
En effet, on cherchera en vain à l’affiche de cet événement, qui revendique plus de 400 manifestations et débats sur la Turquie, la moindre allusion au premier génocide du XXe siècle. Ce silence est trop systématique pour ne pas être suspecté de complaisance envers les pires turpitudes de l’Etat turc. Il questionne d’autant plus que ce crime sur lequel s’est construite la Turquie moderne fait l’objet d’un négationnisme officiel contre lequel ont réagi près d’une trentaine de pays dans le monde (dont la France en 2001) en reconnaissant le génocide des Arméniens.
Ce black-out contraste en outre avec le début de prise de conscience qui est en train de s’opérer dans ce pays à la faveur d’une pétition lancée par quatre intellectuels turcs, qui, tout en contournant le mot génocide (dont l’emploi est susceptible de poursuites avec l’article 301 du code pénal), demandent “pardon” aux Arméniens. Alors pourquoi ce mutisme à contre-courant, alors que, par ailleurs, les initiateurs de cette pétition sont mis à contribution, sur d’autres thématiques, dans les différents débats qui émaillent la saison turque ?
Faut-il en déduire que Culturesfrance instrumentalise cette partie “présentable et exportable” de l’intelligentsia du pays pour offrir au public français l’image d’une Turquie moderne et sans tache ? Mais que parallèlement elle a fait sien le “tabou arménien” entretenu comme un abcès de fixation par l’Etat turc nationaliste et réactionnaire ? Une approche qui va contre le sens de l’histoire, à l’heure où les dirigeants turcs, tenant compte de la pression internationale et de la promesse (menace) de Barack Obama de faire reconnaître à son tour le génocide par les Etats-Unis, viennent d’accepter de créer avec l’Arménie, dans une tentative de normalisation, une “commission à dimension historique”.
Ainsi, l’amnésie organisée de cette saison, qui va jusqu’à l’effacement des caractéristiques arméniennes de la Turquie, maltraite ici une culture qui souffre déjà de discrimination là-bas. Cette attitude n’honore guère les valeurs de la patrie de Descartes et des droits de l’homme.
Mais l’objectif revendiqué de cette saison, qui intervient dans la foulée de l’Année de l’Arménie (juillet 2006-2007), comme une tentative maladroite de compensation, demeure loin de ce type de considérations. Cette saison ne vise-t-elle pas surtout à restaurer l’image d’une Turquie noircie par le génocide, le négationnisme, l’oppression de ses minorités, les bombardements contre les Kurdes, l’occupation de Chypre et un blocus impitoyable sur l’Arménie ? Une Turquie que les dirigeants actuels essayent tant bien que mal de libérer de quatre-vingt-dix ans de kémalo-fascisme pour y substituer un “islamisme modéré et tolérant” et dont les tentatives ne seront pas favorisées par les faiblesses de Culturesfrance envers les péchés du nationalisme turc.
Dans son article de présentation (”La longue marche vers l’Occident”), le site Internet de la saison turque caviarde encore les cadavres des minorités chrétiennes qui jonchent cette “longue marche”. Les évoquer serait montrer que cet Etat, qui a pour ambition d’intégrer l’UE, a commencé par tuer ce qu’il y avait de plus européen en lui, en termes culturel, sociétal et religieux. Mieux vaut donc taire cet aspect des choses qui cadre mal avec les clichés utilisés par Ankara pour fustiger, au nom de la diversité, le “club chrétien” que serait l’Europe et pour incarner, la main sur le coeur, le droit à la différence ! Un comble.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
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