Par André Julien Mbem, essayiste et auteur de “Nicolas Sarkozy à Dakar, débats et enjeux autour d’un discours”, L’Harmattan, 2008 (LE MONDE, 16/04/09):
En 2010, de nombreux pays africains célébreront le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance : 1960-2010. Mais 2010 sera l’année de quel bilan ? Fera-t-on le sempiternel procès de l’esclavage et de la colonisation ? Quoi qu’il en soit, l’heure est venue de questionner, sans concession, la gestion des affaires africaines par les Africains.
Du discours prononcé le 26 juillet 2007 à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, l’essentiel, tant aux yeux de certains universitaires que d’une partie de l’opinion française ou d’Afrique francophone, est de savoir si l’Afrique est “peu”, “pas assez” ou “assez” “entrée dans l’histoire”. Du coup - souvent pour des raisons strictement politiciennes -, l’Afrique qui fait débat en Afrique francophone ou en France est davantage celle de l’Antiquité, des empires médiévaux ou de l’Exposition coloniale internationale de 1931 à la porte Dorée à Paris…
Les drames qui accablent l’Afrique aujourd’hui sont aussi, et de plus en plus, le fait d’Africains eux-mêmes. On ne peut indéfiniment porter sur l’Afrique un regard compassionnel alors qu’une partie de son “élite”, parfois celle-là même qui naguère fut à l’avant-garde du combat pour la libération du joug colonial, saigne à blanc ce continent et contraint à l’exil des millions de femmes et d’hommes dans des voyages périlleux au bout de la nuit. La faillite de l’Afrique, c’est aussi la faillite d’un certain leadership politique, voire intellectuel.
Rien de plus légitime que des universitaires africains réagissent dans divers ouvrages collectifs au discours de Nicolas Sarkozy à Dakar. En revanche, aucune mobilisation intellectuelle similaire face aux drames du Darfour, du Zimbabwe, ou à la récente tempête de xénophobie en Afrique du Sud.
Ces violations des droits humains en Afrique, très souvent du fait des Africains, n’ont guère donné lieu dans l’élite dite intellectuelle d’Afrique francophone, jusqu’à ce jour, à une mobilisation collective à la hauteur de ces situations tragiques.
Il est vrai qu’il est beaucoup plus facile et rassembleur, quand on parle de l’Afrique aux Africains, venant de l’ancienne puissance coloniale, de vanter les charmes des tropiques et de dire toute sa compassion, feinte ou réelle, pour les victimes de l’esclavage et de la colonisation, de se recueillir au Mémorial de Gorée ou de rendre hommage aux victimes africaines des luttes anticoloniales. On roule alors sur du velours de Dakar à Bamako.
Prendre en revanche le risque d’inviter l’Afrique à une autocritique sans concession pour emprunter durablement le chemin du progrès vous expose parfois à des accusations de paternalisme, de racisme ou de néocolonialisme.
Et parmi ceux qui vous tombent alors dessus à bras raccourcis, se bousculent aussi bien le potentat, qui affame son peuple mais se goinfre de homards et de spiritueux précieux, que l’universitaire “nationaliste”, qui vous oppose la rhétorique creuse de “l’Afrique aux Africains”.
C’est la triste expérience que fait aujourd’hui Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), après la décision d’inculper le président soudanais pour crimes de guerre au Darfour. C’est une honte pour l’Afrique qu’il faille recourir à la justice internationale pour des crimes qui seraient commis sur son sol par des Africains, comme l’a récemment souligné l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, prenant la défense du magistrat argentin.
L’Afrique de demain, que des millions d’Africains construisent aujourd’hui dans la douleur, celle qui partage déjà et pour très longtemps avec l’Europe et la France aussi bien une culture que de nombreux intérêts géostratégiques, a moins besoin de compassion que du concours de celles et ceux qui s’engagent concrètement à ses côtés pour lui donner un visage à la hauteur de son formidable potentiel.
Commentaires et critiques n’en parlent quasiment pas, mais le discours de Dakar pose les balises d’une nouvelle relation avec l’Afrique, qui mérite le soutien de tous les démocrates et de tous les progressistes.
Celle que résume fort opportunément cette interpellation du président français en direction de la jeunesse africaine et cet engagement qu’il prend au nom de la France : “Voulez-vous que cessent l’arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l’argent soit investi au lieu d’être détourné ? Voulez-vous que l’Etat se remette à faire son métier, qu’il soit allégé des bureaucraties qui l’étouffent, qu’il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu’il domine les féodalités, qu’il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l’Etat de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre des autres ? Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l’exiger, mais personne ne le voudra à votre place.”
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
En 2010, de nombreux pays africains célébreront le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance : 1960-2010. Mais 2010 sera l’année de quel bilan ? Fera-t-on le sempiternel procès de l’esclavage et de la colonisation ? Quoi qu’il en soit, l’heure est venue de questionner, sans concession, la gestion des affaires africaines par les Africains.
Du discours prononcé le 26 juillet 2007 à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, l’essentiel, tant aux yeux de certains universitaires que d’une partie de l’opinion française ou d’Afrique francophone, est de savoir si l’Afrique est “peu”, “pas assez” ou “assez” “entrée dans l’histoire”. Du coup - souvent pour des raisons strictement politiciennes -, l’Afrique qui fait débat en Afrique francophone ou en France est davantage celle de l’Antiquité, des empires médiévaux ou de l’Exposition coloniale internationale de 1931 à la porte Dorée à Paris…
Les drames qui accablent l’Afrique aujourd’hui sont aussi, et de plus en plus, le fait d’Africains eux-mêmes. On ne peut indéfiniment porter sur l’Afrique un regard compassionnel alors qu’une partie de son “élite”, parfois celle-là même qui naguère fut à l’avant-garde du combat pour la libération du joug colonial, saigne à blanc ce continent et contraint à l’exil des millions de femmes et d’hommes dans des voyages périlleux au bout de la nuit. La faillite de l’Afrique, c’est aussi la faillite d’un certain leadership politique, voire intellectuel.
Rien de plus légitime que des universitaires africains réagissent dans divers ouvrages collectifs au discours de Nicolas Sarkozy à Dakar. En revanche, aucune mobilisation intellectuelle similaire face aux drames du Darfour, du Zimbabwe, ou à la récente tempête de xénophobie en Afrique du Sud.
Ces violations des droits humains en Afrique, très souvent du fait des Africains, n’ont guère donné lieu dans l’élite dite intellectuelle d’Afrique francophone, jusqu’à ce jour, à une mobilisation collective à la hauteur de ces situations tragiques.
Il est vrai qu’il est beaucoup plus facile et rassembleur, quand on parle de l’Afrique aux Africains, venant de l’ancienne puissance coloniale, de vanter les charmes des tropiques et de dire toute sa compassion, feinte ou réelle, pour les victimes de l’esclavage et de la colonisation, de se recueillir au Mémorial de Gorée ou de rendre hommage aux victimes africaines des luttes anticoloniales. On roule alors sur du velours de Dakar à Bamako.
Prendre en revanche le risque d’inviter l’Afrique à une autocritique sans concession pour emprunter durablement le chemin du progrès vous expose parfois à des accusations de paternalisme, de racisme ou de néocolonialisme.
Et parmi ceux qui vous tombent alors dessus à bras raccourcis, se bousculent aussi bien le potentat, qui affame son peuple mais se goinfre de homards et de spiritueux précieux, que l’universitaire “nationaliste”, qui vous oppose la rhétorique creuse de “l’Afrique aux Africains”.
C’est la triste expérience que fait aujourd’hui Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), après la décision d’inculper le président soudanais pour crimes de guerre au Darfour. C’est une honte pour l’Afrique qu’il faille recourir à la justice internationale pour des crimes qui seraient commis sur son sol par des Africains, comme l’a récemment souligné l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix, prenant la défense du magistrat argentin.
L’Afrique de demain, que des millions d’Africains construisent aujourd’hui dans la douleur, celle qui partage déjà et pour très longtemps avec l’Europe et la France aussi bien une culture que de nombreux intérêts géostratégiques, a moins besoin de compassion que du concours de celles et ceux qui s’engagent concrètement à ses côtés pour lui donner un visage à la hauteur de son formidable potentiel.
Commentaires et critiques n’en parlent quasiment pas, mais le discours de Dakar pose les balises d’une nouvelle relation avec l’Afrique, qui mérite le soutien de tous les démocrates et de tous les progressistes.
Celle que résume fort opportunément cette interpellation du président français en direction de la jeunesse africaine et cet engagement qu’il prend au nom de la France : “Voulez-vous que cessent l’arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l’argent soit investi au lieu d’être détourné ? Voulez-vous que l’Etat se remette à faire son métier, qu’il soit allégé des bureaucraties qui l’étouffent, qu’il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu’il domine les féodalités, qu’il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l’Etat de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre des autres ? Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l’exiger, mais personne ne le voudra à votre place.”
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
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