Par Jacques Chirac, ancien président de la République (LIBERATION, 01/04/09):
La crise financière focalise aujourd’hui toutes les attentions, tant par son ampleur, que parce qu’elle marque la terrible sanction de décennies de course folle à l’enrichissement, rendue possible par la spéculation généralisée, l’endettement sans mesure et la dérégulation aveugle. Avec, à l’arrivée, cette dramatique injustice : ce sont les plus modestes, ceux qui font vivre l’économie réelle qui sont touchés de plein fouet par l’effondrement de l’économie virtuelle. Face à cette crise globale, cette crise de sens, cette crise éthique, l’Europe s’est, comme il le fallait, donné les moyens d’agir au G20 pour exiger non pas un simple replâtrage d’un système en fin de course, mais de véritables réformes de fond à l’échelle mondiale.
Mais le G20 n’irait pas au bout de sa mission, s’il ne prenait pas aussi des mesures claires, justes et fortes pour sauver de la crise les pays les plus pauvres. Plus que pour les autres nations encore, le piège se referme sur eux. Ils sont importateurs de presque tout, exportateurs de presque rien, et leurs travailleurs peinent, de plus en plus, à s’employer en dehors de chez eux. Certains pays n’ont plus devant eux que quelques mois d’importation… Dans ce contexte, plus personne ne veut vendre aux plus pauvres, ou alors à des prix léonins. La Banque mondiale estime que 44 millions de personnes sont menacées de malnutrition en raison de la crise et de la hausse des prix alimentaires. C’est un tragique retour en arrière. Pour un pays comme l’Angola, un pays pourtant riche de matières premières, le PIB va chuter d’un cinquième cette année. La récession profonde, celle qui détruit tout, c’est en Afrique, dans les Caraïbes, dans une part de l’Asie du Sud et du Sud-Est, qu’elle frappe le plus. Dans beaucoup de pays, des déficits publics colossaux sont en train de se creuser. Le risque de faillite approche pour beaucoup d’Etats. Ces faillites déstabiliseront encore plus un système mondial déjà fragile. Ne pas agir maintenant, c’est créer les conditions d’un désastre économique dans les pays les plus vulnérables. C’est laisser monter un terrible sentiment d’abandon et d’injustice, qui irrémédiablement viendra nourrir l’immigration de désespoir, les incompréhensions profondes, mais aussi la violence extrême à l’échelle planétaire.
Le G20 doit faire de l’aide aux pays les plus pauvres l’une de ses priorités. Je plaide aujourd’hui pour trois actions immédiates :
- Assurer qu’au moins 1% des dépenses de relance seront consacrées à un fonds spécialement dédié aux pays pauvres touchés par la crise ; la Banque mondiale se bat pour arracher 0,7% depuis des mois.
- Réserver 10% des quelque 600 milliards de dollars [451 milliards d’euros] qui seront consacrés à soutenir les actions du FMI à de nouveaux allégements de la dette publique des Etats pauvres. Faute de cet argent, nous ne tiendrons jamais les objectifs du millénaire : l’éradication de la pauvreté, des grandes épidémies, de la famine risque de prendre des dizaines d’années de retard.
- Assurer la sanctuarisation durant cinq ans des crédits déjà décidés pour le développement dans tous les pays du G20. Il faut tenir parole, pour tous nos engagements, coûte que coûte.
Et puis, au-delà de ces mesures d’urgence, inscrivons-nous dans le processus de réforme du système financier mondial pour mettre en place de nouveaux financements innovants pour le développement. La France a montré la voie. La contribution sur les billets d’avions a prouvé son efficacité pour apporter des moyens nouveaux dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Les plans de sauvetages des banques ont montré aussi qu’on savait être imaginatif et trouver des moyens considérables quand on le voulait vraiment. Alors n’attendons pas, ne restons pas murés dans nos idées reçues et nos égoïsmes.
Il nous faut, bien entendu, assainir nos marchés, reconstruire nos industries, relancer les échanges mondiaux sur d’autres bases. Le reste du monde dépend de notre prospérité. Mais ne faisons pas, une nouvelle fois, l’impasse sur les pays pauvres. Sinon, l’histoire sanctionnera, avec brutalité, cette légèreté et cet aveuglement.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
La crise financière focalise aujourd’hui toutes les attentions, tant par son ampleur, que parce qu’elle marque la terrible sanction de décennies de course folle à l’enrichissement, rendue possible par la spéculation généralisée, l’endettement sans mesure et la dérégulation aveugle. Avec, à l’arrivée, cette dramatique injustice : ce sont les plus modestes, ceux qui font vivre l’économie réelle qui sont touchés de plein fouet par l’effondrement de l’économie virtuelle. Face à cette crise globale, cette crise de sens, cette crise éthique, l’Europe s’est, comme il le fallait, donné les moyens d’agir au G20 pour exiger non pas un simple replâtrage d’un système en fin de course, mais de véritables réformes de fond à l’échelle mondiale.
Mais le G20 n’irait pas au bout de sa mission, s’il ne prenait pas aussi des mesures claires, justes et fortes pour sauver de la crise les pays les plus pauvres. Plus que pour les autres nations encore, le piège se referme sur eux. Ils sont importateurs de presque tout, exportateurs de presque rien, et leurs travailleurs peinent, de plus en plus, à s’employer en dehors de chez eux. Certains pays n’ont plus devant eux que quelques mois d’importation… Dans ce contexte, plus personne ne veut vendre aux plus pauvres, ou alors à des prix léonins. La Banque mondiale estime que 44 millions de personnes sont menacées de malnutrition en raison de la crise et de la hausse des prix alimentaires. C’est un tragique retour en arrière. Pour un pays comme l’Angola, un pays pourtant riche de matières premières, le PIB va chuter d’un cinquième cette année. La récession profonde, celle qui détruit tout, c’est en Afrique, dans les Caraïbes, dans une part de l’Asie du Sud et du Sud-Est, qu’elle frappe le plus. Dans beaucoup de pays, des déficits publics colossaux sont en train de se creuser. Le risque de faillite approche pour beaucoup d’Etats. Ces faillites déstabiliseront encore plus un système mondial déjà fragile. Ne pas agir maintenant, c’est créer les conditions d’un désastre économique dans les pays les plus vulnérables. C’est laisser monter un terrible sentiment d’abandon et d’injustice, qui irrémédiablement viendra nourrir l’immigration de désespoir, les incompréhensions profondes, mais aussi la violence extrême à l’échelle planétaire.
Le G20 doit faire de l’aide aux pays les plus pauvres l’une de ses priorités. Je plaide aujourd’hui pour trois actions immédiates :
- Assurer qu’au moins 1% des dépenses de relance seront consacrées à un fonds spécialement dédié aux pays pauvres touchés par la crise ; la Banque mondiale se bat pour arracher 0,7% depuis des mois.
- Réserver 10% des quelque 600 milliards de dollars [451 milliards d’euros] qui seront consacrés à soutenir les actions du FMI à de nouveaux allégements de la dette publique des Etats pauvres. Faute de cet argent, nous ne tiendrons jamais les objectifs du millénaire : l’éradication de la pauvreté, des grandes épidémies, de la famine risque de prendre des dizaines d’années de retard.
- Assurer la sanctuarisation durant cinq ans des crédits déjà décidés pour le développement dans tous les pays du G20. Il faut tenir parole, pour tous nos engagements, coûte que coûte.
Et puis, au-delà de ces mesures d’urgence, inscrivons-nous dans le processus de réforme du système financier mondial pour mettre en place de nouveaux financements innovants pour le développement. La France a montré la voie. La contribution sur les billets d’avions a prouvé son efficacité pour apporter des moyens nouveaux dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Les plans de sauvetages des banques ont montré aussi qu’on savait être imaginatif et trouver des moyens considérables quand on le voulait vraiment. Alors n’attendons pas, ne restons pas murés dans nos idées reçues et nos égoïsmes.
Il nous faut, bien entendu, assainir nos marchés, reconstruire nos industries, relancer les échanges mondiaux sur d’autres bases. Le reste du monde dépend de notre prospérité. Mais ne faisons pas, une nouvelle fois, l’impasse sur les pays pauvres. Sinon, l’histoire sanctionnera, avec brutalité, cette légèreté et cet aveuglement.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
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