Par Bernard Guetta (LE TEMPS, 03/04/10):
La Serbie n’en est pas seule coupable. Ce crime que son parlement a reconnu, mardi, ce massacre de Srebrenica qui aura constitué, en juillet 1995, le plus atroce des crimes de guerre commis en Europe depuis la fin du nazisme, l’Europe, l’Amérique et l’ONU en portent également la responsabilité.
Elles n’y ont pas participé, bien sûr. Elles n’ont tué personne dans cet Oradour-en-Bosnie mais, par leurs tâtonnements et leur incohérence, les politiques qu’elles ont menées tout au long des guerres de Yougoslavie menaient droit à l’atrocité de cette tuerie.
Les faits, d’abord. En 1995, les conflits nés de l’éclatement de la Yougoslavie se concentraient en Bosnie-Herzégovine, la plus multiethnique des républiques sorties de cette fédération que la chute du mur de Berlin avait achevé de désunir. Trois populations se mêlaient en Bosnie. Aux côtés des Serbes et des Croates, il y avait des Musulmans, descendants de personnes converties à l’islam aux temps de l’occupation ottomane auxquels la Yougoslavie avait donné – d’où la majuscule – un statut national pour asseoir leurs droits. En Bosnie, les Croates voulaient se fondre dans une Grande Croatie et les Serbes dans une Grande Serbie, alors que les Musulmans voulaient conserver à cette république ses anciennes frontières fédérales car elle était la seule dont ils puissent faire leur Etat-nation, comme les autres peuples yougoslaves avaient désormais le leur.
Armées et financées par la Serbie, les forces bosno-serbes veulent donc s’assurer, en ce début de l’été 1995, le contrôle du nord-est de la Bosnie, de la région limitrophe de la Serbie, pour créer une continuité territoriale qui aurait préludé à la constitution d’une Serbie de tous les Serbes. Ces forces touchent au but mais se heurtent à un dernier obstacle, l’enclave de Srebrenica où se sont réfugiés des dizaines de milliers de Musulmans. Protégée par l’ONU, cette enclave leur a paru sûre mais les forces bosno-serbes l’assiègent, s’en rendent maîtres sans que les Casques bleus ne bougent, et c’est alors que le crime a lieu. Les familles sont séparées, femmes et enfants d’un côté, hommes et adolescents de l’autre. Les femmes sont évacuées en autobus et les hommes, 8000 hommes, sont massacrés, méthodiquement, en groupes et à la mitraillette.
La Serbie avait longtemps nié ce massacre qu’elle a laissé faire si ce n’est encouragé, mais, maintenant que d’autres générations la dirigent et qu’elle aspire à entrer dans l’Union européenne, elle a présenté ses «excuses» aux familles des victimes, car «tout n’a pas été fait, dit la résolution adoptée mardi, pour empêcher cette tragédie».
La Serbie a reconnu ses torts mais quand l’Europe, l’Amérique et l’ONU admettront-elles les leurs?
Jamais sans doute, alors qu’ils sont immenses. En Yougoslavie, les grandes puissances auraient pu soit défendre le maintien de la Fédération en offrant immédiatement à ses peuples la perspective d’une entrée commune dans l’Union, soit considérer que la Fédération était déjà morte et négocier son partage en Etats-nations. Elles pouvaient soit l’un, soit l’autre, mais elles ne pouvaient pas vouloir maintenir, en Bosnie, la multiethnicité qu’elles avaient laissé détruire au niveau fédéral et imposer, ensuite, par le bombardement de Belgrade, la sécession du Kosovo, séparé de la Serbie au nom des droits nationaux des Albanais, majoritaires dans cette province. Les grandes puissances ne pouvaient pas, à la fois, enterrer et sacraliser la multiethnicité, tantôt rendre intangibles les anciennes frontières internes de la Yougoslavie et, tantôt, les modifier. C’est pourtant ce qu’elles ont fait, prolongeant ainsi une guerre qui portait en elle ce massacre.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
La Serbie n’en est pas seule coupable. Ce crime que son parlement a reconnu, mardi, ce massacre de Srebrenica qui aura constitué, en juillet 1995, le plus atroce des crimes de guerre commis en Europe depuis la fin du nazisme, l’Europe, l’Amérique et l’ONU en portent également la responsabilité.
Elles n’y ont pas participé, bien sûr. Elles n’ont tué personne dans cet Oradour-en-Bosnie mais, par leurs tâtonnements et leur incohérence, les politiques qu’elles ont menées tout au long des guerres de Yougoslavie menaient droit à l’atrocité de cette tuerie.
Les faits, d’abord. En 1995, les conflits nés de l’éclatement de la Yougoslavie se concentraient en Bosnie-Herzégovine, la plus multiethnique des républiques sorties de cette fédération que la chute du mur de Berlin avait achevé de désunir. Trois populations se mêlaient en Bosnie. Aux côtés des Serbes et des Croates, il y avait des Musulmans, descendants de personnes converties à l’islam aux temps de l’occupation ottomane auxquels la Yougoslavie avait donné – d’où la majuscule – un statut national pour asseoir leurs droits. En Bosnie, les Croates voulaient se fondre dans une Grande Croatie et les Serbes dans une Grande Serbie, alors que les Musulmans voulaient conserver à cette république ses anciennes frontières fédérales car elle était la seule dont ils puissent faire leur Etat-nation, comme les autres peuples yougoslaves avaient désormais le leur.
Armées et financées par la Serbie, les forces bosno-serbes veulent donc s’assurer, en ce début de l’été 1995, le contrôle du nord-est de la Bosnie, de la région limitrophe de la Serbie, pour créer une continuité territoriale qui aurait préludé à la constitution d’une Serbie de tous les Serbes. Ces forces touchent au but mais se heurtent à un dernier obstacle, l’enclave de Srebrenica où se sont réfugiés des dizaines de milliers de Musulmans. Protégée par l’ONU, cette enclave leur a paru sûre mais les forces bosno-serbes l’assiègent, s’en rendent maîtres sans que les Casques bleus ne bougent, et c’est alors que le crime a lieu. Les familles sont séparées, femmes et enfants d’un côté, hommes et adolescents de l’autre. Les femmes sont évacuées en autobus et les hommes, 8000 hommes, sont massacrés, méthodiquement, en groupes et à la mitraillette.
La Serbie avait longtemps nié ce massacre qu’elle a laissé faire si ce n’est encouragé, mais, maintenant que d’autres générations la dirigent et qu’elle aspire à entrer dans l’Union européenne, elle a présenté ses «excuses» aux familles des victimes, car «tout n’a pas été fait, dit la résolution adoptée mardi, pour empêcher cette tragédie».
La Serbie a reconnu ses torts mais quand l’Europe, l’Amérique et l’ONU admettront-elles les leurs?
Jamais sans doute, alors qu’ils sont immenses. En Yougoslavie, les grandes puissances auraient pu soit défendre le maintien de la Fédération en offrant immédiatement à ses peuples la perspective d’une entrée commune dans l’Union, soit considérer que la Fédération était déjà morte et négocier son partage en Etats-nations. Elles pouvaient soit l’un, soit l’autre, mais elles ne pouvaient pas vouloir maintenir, en Bosnie, la multiethnicité qu’elles avaient laissé détruire au niveau fédéral et imposer, ensuite, par le bombardement de Belgrade, la sécession du Kosovo, séparé de la Serbie au nom des droits nationaux des Albanais, majoritaires dans cette province. Les grandes puissances ne pouvaient pas, à la fois, enterrer et sacraliser la multiethnicité, tantôt rendre intangibles les anciennes frontières internes de la Yougoslavie et, tantôt, les modifier. C’est pourtant ce qu’elles ont fait, prolongeant ainsi une guerre qui portait en elle ce massacre.
Fuente: Bitácora Almendrón. Tribuna Libre © Miguel Moliné Escalona
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